GeSi N°01 – Mars 1981
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ÉDITORIAL
GeSi... Le symbole est sur toutes les lèvres depuis que la société « Aquitaine-instruments » (1) a élaboré ce nouveau matériau plein de promesses.
Né de la cogitation intense qui se produit dans le cerveau d'un génie de l'électronique allongé en position « travail » durant le mois d'été (il faut une température suffisante) sur l'immense tapis blond de silice pure s'étirant sur la côte aquitaine, son application la plus spectaculaire est l’établissement d'un fil conducteur entre les départements de Génie Électrique.
La conduction est assurée par des porteurs d’information provenant de l’implantation d’un certain nombre de sources appelées « correspondants ». La densité de ces derniers n’a pas pu encore être portée au taux minimal souhaitable qui, d’après la théorie , est de 32 (pour 32 départements). Lorsque ce taux sera atteint, la conduction sera optimale,Mais pas nécessairement maximale.
Les techniciens spécialistes envisagent bien d’implanter de force « des correspondants » supplémentaires dans les trous existants, mais il n’est pas sûr que le matériau résiste à de tels procédés.
Pour l’heure, les inventeurs, peu soucieux de l’exclusivité, demandent au contraire, à tous les utilisateurs potentiels, de leur envoyer de nouveaux et nombreux plans réticulaires remplis de porteurs d’informations(2). Ces plans seront ordonnés pour obtenir la performance maximale.
Tous les techniciens que nous sommes ne peuvent que se réjouir des propriétés de ce nouveau matériau et lui souhaitent de nombreuses applications.
Un concours est toutefois ouvert pour lui trouver un nom plus original. Le Gagnant fera l’objet d’une cérémonie d’intronisation adaptée lors de la réunion pédagogique annuelle des départements de Génie Électrique. Nous attendons de nombreuses propositions
GESITRON
(1)Chacun sait que l’Aquitaine doit devenir le Texas français
(2) Ils peuvent être constitués de feuilles de papier recouvertes de signes conventionnels représentant de l’information
Extraits de la revue : Textes de M. VIDAL Poitiers et F. WALLET Lille I
DIFFICULTÉ DE L’ENSEIGNEMENT DE L’ANGLAIS EN G.E.
Tels les augures romains les professeurs de langues de spécialité ont peine à dissimuler un sourire lorsqu’ils se croisent. En effet, quoi de plus général que l’enseignement de l’anglais en 1ère année de DUT et plus particulièrement dans un département de Génie Électrique.
La spécialité pure en langue scientifique ou technique, c’est la disparition de l’enseignant. De même que dans les entrailles des victimes les augures voyaient l’avenir, c’est au fond de la carcasse éventrée de l’anglais de spécialité que se situe l’avenir des langues en IUT,
Il
existe certainement de très respectables thèses d’État
sur «Tout
ce
que vous avez toujours
voulu
savoir mais jamais osé demander en Anglais sur la Plomberie» ou
«Comment
apprendre
l’anglais de la Biologie sans jamais échanger une idée
générale». Une mutation risque de se produire
et l’enseignant des langues en IUT ressemblera de plus en plus à ces
machines à traduire.
A
bon
chat bon rat,
à microprocesseur
microprofesseur,
c’est ce qu’annoncent les
pages de publicité. Si l’élève d’IUT aspire à
être
un
technicien
supérieur
polyglotte, il aspire également à être un homme cultivé, ouvert,
à l’esprit critique.
L’horaire
d’anglais de notre département
(3 heures en première année) nous permet de relever ce défi. Quoi
de plus stimulant pour développer cet esprit critique que le
spectacle de la société anglo-saxonne
dans la presse anglophone ?
Quoi
de plus propre
à susciter
la réflexion que la vision de la société française dans cette
même presse ?
Pour
encourager l’étudiant d’IUT à employer
une
langue étrangère, il faut le
placer
en situation dominante, en
position
d‘émettre
un
jugement.
Ainsi
dans
la
presse
scientifique anglaise, une très large part est réservée aux
problèmes écologiques : une
revue
comme
«Vole offre à la fois des articles scientifiques et des articles de
réflexion sur
la science. L’écologie y a
acquis
droit de cité. Cette réflexion est salutaire pour l’étudiant de
Génie Électrique
amené
à effectuer
son stage de fin de scolarité dans une Centrale Nucléaire.
•
Oui,
mais, Monsieur, dira-t-il à son bienveillant directeur
de
stage lui vantant les avantages sociaux promis au futur employé
EDF, pourquoi
construisons-nous
tant
de Super-Phénix,
alors que tous
les autres pays se posent des questions
sur
ce
type de réacteur
? »
Nul besoin de l’anglais pour arborer son autocollant antinucléaire m’objectera t-on. Mais dans le cas qui nous intéresse c’est la connaissance d’une autre source scientifique dans une autre langue qui permet à notre étudiant sa distance critique.
Il
ne s’agit pas pour
nous
de venir subrepticement occuper
le terrain de nos
collègues
enseignants d‘expression.
Mais l’anglais c’est avant tout l’autre, particulièrement pour
nos
étudiants
qui n’ont souvent
que
peu exploré les pays anglo-saxons.
En
maîtrisant
la langue de l’autre
sur
un sujet
scientifique ou
d’ordre
général, l’étudiant parvient à une double
prise de conscience.
·
En formulant sa pensée en
anglais,
il se force
à exprimer puis à nuancer un jugement qu’il n’avait peut-être
pas
pris la peine de formuler en français.
–
En
parvenant à comprendre et
à discuter un
texte
étranger,
il conçoit
mieux la relativité de l’information française.
Il
nous faut
donc
essayer de développer
un anglais de généralité
à partir duquel tout anglais de spécialité n’est plus qu’une
agréable collection de papillons. Généralité sur la société
anglo-saxonne,
sur la société française vue de l’étranger,
réflexion critique vis à vis de la science.
Cette
prise de conscience, cette prise de parole
passe
par le
contrôle
des
moyens de production de la parole et de l’image, c’est-à-dire
la vidéo
et la
bande
son. Lors des épreuves
d’anglais de baccalauréat,
nombreux
sont
les candidats qui demandent à leur professeur de leur fournir des
réponses toutes prêtes en français. Ils s’avouent ainsi incapables
de communiquer
en utilisant une langue qui leur a été imposée
de
l’extérieur. L’échange d’idées leur parait d’autant plus périlleux
qu’il a lieu sur
un
terrain
étranger.
Ils renoncent
à
exprimer toute opinion. C‘est
l’enseignant qui possède la langue, à lui de trouver
des idées. On pourrait
essayer
de
substituer
à
cette situation l’enregistrement de bande son lors
du visionnement de film vidéo.
Les images passent muettes et les commentaires des étudiants leur
permettent
de faire leur, le film qu’ils ont vu.
De
même
un débat
filmé après
étude
de plusieurs textes peut permettre
une véritable appropriation de la réalité linguistique. L’anglais
de l’étudiant,
même s’il est très
imparfait
existe
en
lui-même et
véhicule
un sentiment d’altérité,
d’exotisme.
C’est
dans ce même souci de recherche
d’une autre identité qu’une
expérience
peut être tentée à partir de la musique
contemporaine dont
les étudiants de Génie Électrique
sont
souvent
friands,
Le moindre hurlement de quelques phrases
anglaises chantées, dénuées
de sens peut
appartenir
à l’étudiant s’il est reproduit
sur la bande magnétique de sa cabine du labo de langues. On
retrouve
là le désir (déjà exaucé chez
certains) d’avoir dans sa voiture sa cassette
et
son lecteur, pour
enfin
s’approprier à tout moment un peu de musique et un peu d’altérité.
Les
étudiants sont parfaitement conscients du peu d’intérêt de la
plupart
des
textes qui illustrent le « hard-rock»
et
la «new-wave»
mais déchiffrer le message
même simpliste peut constituer un important
stimulus pédagogique. L’anglais sort de sa
réserve
pour
s’installer dans le domaine réel quotidien.
Comment
se servir de ce penchant pour la musique électronique pour élargir
les connaissances en anglais.
Voilà
qui fera l’objet d’un prochain article dans un prochain numéro.
M. VIDAL POITIERS
MAIS POURQUOI ENSEIGNER L’ANGLAIS ?
Les
quelques remarques qui suivent ne sont pas destinées aux professeurs
de langues qui, naturellement, connaissent les problèmes soulevés
par l’enseignement
des langues en IUT, d’autant que le Bulletin Pédagogique des IUT
(langues) publié depuis 1968 – d’abord sous le patronage de l’INFA
puis sous la responsabilité de l’Équipe
de Recherches Pédagogiques (*)
–
fournit nombre de données. Je voudrais simplement essayer de dégager
quelques points qui me semblent fondamentaux afin de répondre à la
question «Pourquoi enseigner l’anglais en Génie Électrique
? » c’est-à-dire insister sur la finalité et les objectifs de
l’enseignement
des langues. Il n’est pas question, dans ce bref article, de traiter
de didactique des langues et de méthodologie ou de signaler les
diverses solutions qui ont pu être trouvées dans les différents
départements de Génie Électrique.
Si l’on consulte le programme élaboré par la CPN, on relève les points suivants : enseignement obligatoire de l’anglais, exposer oralement en français le contenu d’une notice ou documentation technique rédigée en anglais, conversation courante, lecture de journaux et revues d’actualité tendant à rattacher l’étude de la langue à la vie quotidienne, enseignement d’initiation pour les étudiants n’ayant pas étudié antérieurement l’anglais. Cette énumération couvre donc de nombreux aspects et insiste sur quelques éléments spécifiques relevant du domaine technologique. Lors de sa réunion de décembre 1979 consacrée à l’enseignement des langues, la CPN n’a pas jugé utile de modifier le programme et il est intéressant de reprendre les arguments développés par les participants.
La majorité des documents concernant l’électronique étant en langue anglaise il apparaît que l’étude de l’anglais est nécessaire. Certains départements géographiquement proches d’un pays non-anglophone pourraient poser le problème d’une autre langue (Est de la France, par exemple). Un Chef de Département concerné par cette question a remarqué que les étudiants se tiraient d’affaire avec l’allemand qu’ils connaissaient déjà… et qu’il était préférable d’étudier l’anglais. Si l’on considère le plan strictement professionnel, il est bien évident que 99% de la documentation est en anglo-américain, ce qui ne signifie pas que les autres langues – adaptation locale – soient à bannir. Mais un minimum d’anglais est nécessaire, d’où la recherche de solutions originales telles que : apprentissage en semi-autonomie (expériences du CRAPEL, Nancy), création de self-service, etc… sans oublier les cours pour débutants.
La finalité des études étant professionnelle il n’est guère étonnant d’insister sur l’aspect «utilitaire», mais, en précisant les objectifs, on s’aperçoit vite que les divers aspects sont liés. On retrouve les quatre compétences qu’il est traditionnel de mentionner en enseignement des langues. Ces «four skills» sont, rappelons le, la compréhension et l’expression écrites, la compréhension et l’expression orales. Comme l’objectif global est de permettre l’accès à l’information sous toutes ses formes, de fournir à l’étudiant un outil convenable pour l’acquisition «d’autre chose» – et cela peut ne pas être que professionnel – ces quatre compétences représentent un champ suffisamment vaste. La finalité professionnelle des IUT, interviendra dans la modulation des compétences à développer. La compréhension écrite sera sans doute à privilégier (recherche rapide de l’information, techniques de lecture) par rapport à l’expression écrite qui pourrait se limiter à la rédaction de lettres, brefs rapports ou résumés. Par contre, la compréhension orale ne peut être dissociée de l’expression orale. Remarquons que les statistiques montrent que 25 % des techniciens supérieurs auront besoin de comprendre – et donc de maîtriser – l’anglais parlé. Il est impossible de savoir qui en aura besoin – et quand… D’autre part, on s’aperçoit rapidement qu’une langue constitue un tout et que l’oral facilite l’écrit. La conversation courante et la lecture de journaux ou revues rattachant la langue à la vie quotidienne sont liées à ce problème. De plus cette ouverture sur l’extérieur est bénéfique pour l’étudiant qui devra s’intégrer rapidement au monde du travail. Des connaissances «extra-scolaires) facilitent les contacts avec l’entreprise. Les sondages auprès d’anciens étudiants en stage confirment cette opinion.
La compréhension d’une documentation technique nécessite un certain vocabulaire plus spécifique mais l’ acquisition de «l’anglais de spécialité» ne semble pas présenter des difficultés insurmontables. Dans (anglais de spécialité» il y a d’abord «anglais», comme dans «électronique de puissance» il y a «électronique». Le vocabulaire technologique – même restreint – est à apprendre car ce domaine n’appartient pas, en général, aux connaissances déjà acquises et ne s’invente pas… Partie la plus facile de la langue de spécialité, c‘est aussi l’élément qui risque d’être le plus lassant. Si pour des ingénieurs, il semble relativement facile d’acquérir rapidement ce lexique dans la vie professionnelle, nos étudiants ne seront pour la plupart que des techniciens formés à bac plus 2 et au passé linguistique parfois incertain ce qui nous impose un effort particulier. Beaucoup de nos étudiants réalisent des performances honorables et ont des connaissances convenables mais l’hétérogénéité pose cependant un problème (recrutement dans des séries différentes de bac, interruption d’étude en langue, manque de motivation). Les groupes de niveau, expérimentés depuis longtemps peuvent se relever utiles mais restent liés à la collaboration des autres disciplines et aux horaires. Il faut donc insister sur certains traits caractérisant le domaine scientifique (exemples formation des noms composés, comparaisons, mesures, sigles, etc…) mais il n’est pas question de transformer le TD d’anglais en TD d’électronique tout comme on ne peut changer un cours d’électronique, même dit en anglais, en cours de langue… Cela dit, l’enseignement de la langue de spécialité demande naturellement quelques connaissances que les collègues d’autres disciplines peuvent fournir (pluridisciplinarité).
Il convient enfin, d’ajouter aux quatre compétences, une cinquième, qui est primordiale : l’auto-apprentissage, permettant le perfectionnement ultérieur dont l’importance n’est plus à souligner. En effet – et cela concerne toutes les matières – dans notre civilisation où les connaissances technologiques en électronique doublent tous les cinq ans, on ne peut négliger cet aspect.
Stratégie
d’apprentissage, méthode etc, doivent être sous-jacentes à
l’enseignement de la langue, d’autant que celle ci servira à
l’acquisition d’autre chose. Là, comme ailleurs, le but ultime du
professeur est de se rendre inutile. Les recherches sur l’autodidaxie
effectuées à Nancy par le CRAPEL sont, à ce propos, très
intéressantes,
Il apparaît donc que les objectifs à faire atteindre aux étudiants sont assez importants pour nécessiter des moyens convenables et adaptés. Il faut le souligner car la tentation pourrait être de renforcer l’horaire consacré aux techniques nouvelles, au détriment de la formation générale. On peut, par exemple, désirer accentuer l’étude de la micro-informatique sans pour autant amputer les horaires d’anglais ou ne pas renouveler le matériel didactique nécessaire aux langues. L’apparition et le développement d’une nouvelle technologie vont de pair avec l’anglais.
F.
WALLET Professeur certifié à l’IUT «A» de Lille I
Département Génie Électrique
(*) Équipe de Recherches Pédagogiques des IUT – IUT 8, avenue Cauchy – 92330 Sceaux –